Devoir de vigilance européen : où en est-on ?
Le 1er décembre, le Conseil européen a approuvé sa position commune sur la proposition de directive sur le devoir de vigilance européen. De nombreuses critiques émanant des ONG et des eurodéputés se sont fait entendre.
Tout d’abord, les ONG accusent le gouvernement français d’avoir participé à une coalition avec d’autres États membres afin de réduire les ambitions du texte, et notamment d’avoir voulu exclure le secteur financier de son champ d’application. Dans un communiqué conjoint publié le jour-même par les associations Sherpa, ActionAid France, les Amis de la Terre France, Action Aid, CCFD-Terre Solidaire, le Collectif Ethique sur l’étiquette, la Fédération internationale pour les droits humains, Notre Affaire à Tous et Oxfam France, les « failles » suivantes ont notamment été mises en avant :
- le champ du devoir de vigilance « n’inclut ni l’usage qui est fait des produits commercialisés par les entreprises, ni les activités des clients des entreprises de services, ni les exportations d’armes ou de matériels de surveillance »,
- les obligations pour les banques deviennent « extrêmement limitées, et dans tous les cas seulement facultatives pour les États membres » ;
- les entreprises ne seront « pas tenues de mettre fin à leur relation avec un fournisseur qui viole de façon avérée les droits humains si cela s’avère trop préjudiciable pour leur activité » ;
- « la définition des atteintes à l’environnement, déjà lacunaire, est encore réduite, avec la suppression de termes clés tels que la notion d’intégrité écologique » ;
- les éléments s’attaquant aux obligations et à la rémunération des administrateurs « ont tout simplement été supprimés ».
« Nous avions déjà alerté en début d’année sur les failles du texte de la Commission. Celui du Conseil en a rajouté d’autres, très inquiétantes, et a fait ressortir les points sur lesquels les lobbies font le plus de pression : responsabilité civile, aspects environnement/climat, secteur financier », a réagi Juliette Renaud, responsable de campagne – régulation des multinationales au sein de l’ONG les Amis de la Terre.
Bien que « toutes les entreprises » soient couvertes par la directive, « quel que soit leur secteur », ajoute Manon Aubry, rapporteur fictif pour le groupe de La Gauche au Parlement européen, « la définition de la “chaîne de valeur” pour laquelle la directive ouvrirait une responsabilité des entreprises a été modifiée pour devenir “chaine d’activités” et exclure la prestation de services. A fortiori, elle exclut donc toute responsabilité des banques prestataires de services financiers qui ont financé des atteintes aux droits humains ou à l’environnement ».
« L’orientation générale du Conseil précise que les États membres peuvent opter pour la couverture des services financiers également. C’est bien sympathique, mais la précision est inutile – par défaut, les États pourraient opter pour une plus large application du texte – et certainement hypocrite. On imagine mal la plupart des pays européens décider seuls de couvrir leurs banques quand celles des autres Etats ne sont pas couvertes », poursuit Manon Aubry.
Le Gouvernement n’a pas tardé à réagir. La semaine dernière, Bercy a en effet publié un communiqué de presse afin de démentir « les informations faisant état d’une demande d’exemption des banques ».
Quelles sont les prochaines étapes ? Au Parlement européen, les députés ont déposé leurs amendements sur le texte de la proposition de directive. Il revient désormais à la rapporteure du texte, Lara Wolters, « de rédiger des amendements de compromis pour intégrer ou non les ajouts des autres groupes et les négocier », explique un porte-parole du Parlement.
Au printemps, auront lieu les votes en commissions au Parlement Européen et le vote en plénière en mai 2023. Et enfin, à la suite de ces débats, interviendra le début du trilogue avec le Conseil et la Commission européenne, prévu pour l’été 2023.